Pierre TOURON
L'Exagérée
Domaine privé
Eau perchée
Haute terre
Ici ailleurs
Jouvence
Sur les traces du lapin blanc
Antipodiste
Aplomb-instable
Complainte
Décombre et lumière
Déploiement
Grand bassin
L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours
Marcher haut
Paysage résiduel
Reconstitution N°1
Un dimanche a la campagne
Un monde en soi
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Chemin d’images
« Les Arabes disent que quand nous fabriquons bien et proprement les Images, si par l’imagination et l’effect nostre esprit est fort attentif à l’oeuvre , il se conjoint aux Estoilles avecques l’esprit du monde, et avecques les rayons des Estoilles, par lesquels agit l’esprit du monde…»
Marsile Ficin: Poète et philosophe italien du XVème s.
Aujourd’hui, ces étoiles nous les voyons à peine, et nous sommes sourds au chant qu’elles murmurent. Les pierres les entendent parfois, loin des hommes. Les pierres volent également… enfin je crois.
Peut-être que j’ai tout inventé. Ou bien ré-inventé, ce que d’autres ont imaginé ou éprouvé avant moi. Parfois, j’ai la sensation en effet, que mes images existent avant que je ne les dessine. Je ne fais que les mettre au jour. Je crois qu’il y a de la magie dans les images (« image » est l’anagramme de « magie »).
Après une expérience d’artiste pleine d’enthousiasme, de doutes et de renoncements, le dessin m’apparaît depuis quelques années, comme une « évidence ». Il me permet, avec une mise en œuvre réduite, de rentrer de plain-pied dans un monde qui a toujours été le mien, mais vis à vis duquel pourtant, je suis resté distant. Peut-être par crainte de ne pouvoir en sortir…
Le goût de l’étrange (de la douce à l’inquiétante étrangeté), m’amène à explorer les limites du réel, préférant l’onirisme poétique au fantastique débridé. Plus que la recherche de l’incongru et du bizarre, c’est dans la façon d’associer et de composer librement dans un espace/temps, les différents motifs de mes images, qui m’entraine de l’autre côté du miroir.
En effet, j’attache une grande importance à la composition.
Placer une pierre à côté d’un arbre, ce n’est pas la même chose que de la placer au dessus. Ce n’est pas ce que « ça raconte » qui fait la différence. C’est l’image dans sa forme, dans son espace qui fait sa force, qui imprime en nous une impression, une sensation. Le dynamisme de l’image, son équilibre (ou son déséquilibre), ses pleins, ses vides, ses lumières, ses ombres, etc. et la façon dont tout cela dialogue, se relie, se tend, abouti parfois, à quelque chose qui a peut-être à voir avec la magie et la poésie.
Le temps long qu’impose ma technique, participe aussi de cette alchimie. Un« hors temps » dans lequel l’esprit est en suspend, où parfois, ce qui se fait, se confond avec celui qui fait.
« La mémoire et l’imagination vivent parfois sous le même toit »(A. Appelfeld)*
Mon travail se développe comme un chemin: un chemin auquel je n’impose pas de direction particulière, je laisse venir… Puis, par décantation, le tri s’opère. Un chemin fait de souvenirs, de rêves, de peurs, des images du monde « comme il va ».
Des motifs récurrents jalonnent ce parcours: héritage de l’enfance (souvenirs réels ou rêvés - influence des contes et des légendes), images volées (dans les livres d’art comme dans les vieux dictionnaires illustrés), et tout ce qui émerge de mes centres d’intérêt les plus divers, dont les liens m’apparaissent au fil du temps.
Le temps : une de mes obsessions. Celui des origines - celui qui, finissant nous dit-on, nous entraîne dans un vertige toujours plus grand. Le temps des mythes et des légendes- qui se rappelle parfois à nous, pour peu que l’on y soit attentif. Le temps de l’Histoire- que j’appréhende davantage comme un continuum plutôt qu’une suite de périodes cloisonnées. Le temps d’une vie d’homme- avec ses pleins et ses vides…
C’est dans le tissage de ces différentes temporalités, que dialoguent ou s’opposent homme et nature. Dans le chaos des vestiges du vieux monde, la nature sauvage reprend ses droits et l’homme tente d’y trouver sa place.
Je poursuis mon « chemin d’images » (comme l’écrit Nicole Belmont, à propos des contes**), en essayant de rallumer quelques étoiles, faire des ronds dans l’eau, de relier ce qui est aujourd’hui dispersé… Bref, jouer les magiciens/chamanes, en essayant d’y croire un peu…
Pierre Touron
* Histoire d’une vie
** Petit-Poucet rêveur
https://www.flickr.com/people/185455836@N05/
texte présentation
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Dessins de 2019 à 2021: graphite sur papier aquarelle satiné (ajouts parfois, de gouache ou crayon bleu). Formats: entre 40x30 cm et 50x40cm